« Nous sommes tous des descendants de Reines et de Rois ! » s’exclame l’artiste Christian Jalma. Mais de qui parle t’il ? Qui sont ces Reines et ces Rois à l’époque d’une société Bourbonnaise esclavagiste ? Bienvenue dans le « Royaume de l’Intérieur » !
Cadre historique
Suite aux différents champs de recherches des militants et des historiens, il s’avère qu’un Royaume Maron de l’Intérieur s’est constitué en opposition à la société esclavagiste du Littoral pendant près de deux siècles. Avant de rentrer dans les différents royaumes et leurs chefs emblématiques, il est intéressant de préciser le cadre historique.
Le maronnage est une forme de résistance face à l’oppression de l’esclavage et la violence du système. Son origine se situerait de la déformation de l’espagnol du mot Cimarron dont la définition serait : retour à l’état sauvage. Sur l’île de la Réunion, le Maronnage se caractérise majoritairement par des mouvements de fuite des esclaves vers les hauts de l’île. En raison du côté non colonisé, les hauts de l’île sont des repères idéaux pour disparaître. Il faut aussi imaginer qu’à l’époque, il n’y a très peu de routes, ni de sentier permettant l’accès à l’intérieur. Nous consacrerons un article plus exhaustif sur le maronnage ultérieurement. Nombreux sont ces hommes et femmes qui ont très vite décidé de créer plusieurs royaumes dans les hauts et l’intérieur de l’île. Beaucoup de reliefs portent encore leurs traces dans leurs appellations topographiques.
Dès le départ de la colonisation de l’île en 1663, les 10 premiers esclaves partent en maronnage laissant le français Louis Payen sur place. Dans cette première échappée se trouve le célèbre Anchain donnant le nom au Piton à Salazie. Anchain se retrouve aussi dans plusieurs textes littéraires d’Eugène Dayot, Auguste Vinson et Auguste Lacaussade. Il serait à l’origine du peuplement des marons dans le Royaume avec sa femme Heva. Deux de leurs huit filles, Marianne et Simangavole femmes guerrières auraient été des Reines, respectivement femme de Tsymandevo (Cimendef) et Matouté.
Les hauts restent des lieux opportuns pour la fuite. Composé de reliefs escarpés, de zone montagneuse avec pour zone d’entrée et de fuite les bras de rivière, les marons peuvent très rapidement échappés à la cruauté de l’esclavage du Littoral. L’accès aux différents camps dans les cirques restent tant pour les marons que pour les chasseurs une autre étape périlleuse. Après avoir réalisé le plus dur, à savoir, semer les chasseurs, le maron en fuite doit rapidement se cacher et trouver un camp. Les camps dans le Royaume Maron de l’Intérieur ne restent pas immobiles. Perchés sur les crêtes des montagnes, l’esclave devenu maron peut donner l’alerte aux membres du camp pour pouvoir rapidement se déplacer et échapper aux détachements de chasseurs.
Un Royaume organisé
Les différentes vagues de maronnage dans l’intérieur ont permis la création de plusieurs royaumes dirigés par des chefs différents. Chaque royaume possédait ainsi une fonction bien précise. Il faut noter que l’occupation de l’espace et la création des zones tribales se réalisent aussi par le biais du sacré. En effet, un ombiasy (l’équivalent du devin) détermine par ses connaissances, ses rituels et sacrifices les places géographiques à occuper.
Dans le Bruit du silence, Parole des esclaves de Bourbon de la fin du XVIIe siècle au 20 décembre 1848, Prosper Eve souligne le Piton d’Anchaing à Salazie comme un lieu de « sages décisions ». Les grandes réunions du Royaume se feraient dans ce lieu.
La particularité de Cilaos est qu’elle est composée de plusieurs camps, tribu à l’image de Madagascar. Nous retrouvons ainsi une multitude de chef Maron avec Phaonce pour le Grand Bénare, Matouté et Simangavole pour les Trois Salazes, Fatie pour le Piton des Neiges, L’Ilet à Cordes est sous la responsabilité de Fanor, le Bonnêt-de-Prête à Diampare, la Fenêtre à Pyram et Laverdure (nommé Roi des marons par le Chasseur Mussard) gouverne sur l’îlet Maron.
Mafate par sa présence dans le cirque érige le lieu comme un temple de la spiritualité, de recueillement et du silence. Mafat est l’ombiassy cité précédemment. A sa frontière, culmine Cimendef à 2258 mètres de haut. Il serait le maron Guerrier et Marianne serait sa femme.
Entre mythe et réalité
Les recherches scientifiques de ces dernières années ont confirmé l’existence de certains marons comme Anchain et Pitsana (Pitré). Il passe ainsi du mythe littéraire à la réalité scientifique et historique.
Cependant, le manque d’archives sur le sujet laisse au rang de mythe de nombreux rois et reines de l’intérieur. A l’image d’un Hercule ou d’un Roi Arthur, l’île possède une vraie mythologie dont les héros guidaient par leurs destins et leurs divinités ont tracé le début de l’histoire de notre pays. Cette histoire méconnue encore par tous mérite d’être étudiée par les autorités compétentes. Gageons que l’avenir puisse voir des grosses recherches archéologiques dans les cirques afin de retrouver traces de ces fuites. Ne laissons pas nos marons s’enfuir de nos mémoires et de notre Histoire !
Cet article a été aussi écrit avec les recherches des ouvrages de Prosper Eve, « le Bruit du Silence », "Bourbon Pittoresque » d’Eugène Dayot, Livret d’exposition « Salazie : au coeur du royaume maron de l’intérieur ». N’hésitez pas à commander ces livres et soutenir l’édition locale. Soyons les premiers rakontèr nout zistoir !